ça coule de (re)ssources
RÉSIDENCE D’ARCHITECTURE ET DE PAYSAGE SUR LA FRICHE INDUSTRIELLE À WILDENSTEIN
Commanditaires et Partenaires :
Parc Naturel des Ballons des Vosges
Temporalité du projet :
De juin 2021 à novembre 2021
Localité :
Wildenstein
Outils et compétences :
Résidence architecturale
Concertation
Co-conception
LE PROJET EN RÉSUMÉ
« Ça coule de ressources » est la réponse de l’Atelier NA, de Mayker Architectes et de BOnnes MAtières (BOMA) à l’appel à résidence « Pour de nouvelles ruralités » à Wildenstein.
Notre démarche propose une nouvelle façon de concevoir la programmation de friches industrielles en se basant sur les ressources locales. Si les projets en milieu rural posent de nombreuses difficultés à court et long terme, notamment au niveau de l’autonomisation et de la résilience, la réponse doit passer par la frugalité et se baser sur les ressources locales existantes — qu’elles soient matérielles ou humaines — grâce aux savoir-faire locaux et aux engagements des habitant·e·s.
C’est sur ce principe que nous avons construit notre réponse à l’appel à projets, pour apporter une vision novatrice sur la rénovation de friches industrielles, et plus largement sur le projet architectural et programmatique en milieu rural.
La résidence architecturale
Pour concrétiser ce projet, nous nous sommes servis des spécificités de la résidence architecturale.
– Premièrement, elle nous a permis, par l’accès au site, de nous nourrir du lieu pour compléter le diagnostic quantitatif et statistique par un diagnostic sensible et vécu.
– Deuxièmement, la présence sur place nous a donné l’occasion de partager les avancements du projet et d’enclencher des synergies avec les habitant·e·s et acteur·rice·s locaux·ales.
– Enfin, cela nous a permis de lancer des dynamiques sur le lieu de résidence et donc de permettre une appropriation par les habitant·e·s des sujets abordés.
Une proposition par phase
En nous appuyant sur notre parti-pris vis-à-vis des circuits courts et des ressources locales et sur notre vision de la résidence architecturale, nous avons proposé une démarche en plusieurs phases :
– une phase de diagnostic durant l’été 2021 afin d’établir une liste des ressources à disposition sur place ;
– deux ateliers de co-conception en septembre et octobre avec les habitant·e·s pour réfléchir ensemble aux possibilités offertes par le site ;
– un livrable remis en novembre permettant de faire état des différents idées, résultats, questions et conclusions.
Cette séparation en plusieurs phases offre la possibilité de cadrer les ateliers pour une prise de notes intelligente et pour donner un temps de réflexion à chacun des acteur·rice·s entre chaque étape. Ces phases seront reliées entre elles par un récit, un imaginaire à diffuser autour du projet tout au long de la démarche. Si cette résidence architecturale est une expérience extrêmement enrichissante pour les architectes et professionnel·le·s que nous sommes, elle doit également permettre une ouverture des possibles pour les habitant·e·s de Wildenstein.
Pour commencer, nous avons réalisé 3 diagnostics, à 3 échelles, de 3 ressources distinctes : un diagnostic des ressources biosourcées et géosourcées locales réalisé par Mayker Architectes, un diagnostic ressources des matériaux à potentiel de réemploi par BOMA, et un diagnostic sensible humain par l’Atelier NA.
Le diagnostic territorial : MAYKER ARCHITECTES
MAYKER Architectes a réalisé un diagnostic ressources ex-situ. MAYKER est actif au sein du groupe “pour une frugalité heureuse”, notamment pour l’élaboration de la cartographie des ressources du territoire alsacien, et coordonne la zone Bas-Rhin de ce groupement. C’est dans la continuité de leur projet de cartographie que les membres de MAYKER souhaitent effectuer ce travail de diagnostic de ressources dans le territoire de la résidence.
Démarrée sur le territoire lorrain, cette cartographie inédite des ressources en matériaux biosourcés et géosourcés est en cours de réalisation sur le territoire alsacien. Le but est de connaître et de faire connaître les ressources locales (bois, pierre, terre, fibre…) permettant de réaliser des projets en lien avec leurs territoires.
Ce diagnostic a permis de centraliser les informations relatives aux ressources et de cartographier les scieries, carrières et autres gisements de matériaux locaux. En réalisant cette enquête à la fois quantitative et qualitative,nous avons pu établir les capacités de ces productions et intégrer les différents professionnel·les locaux·ales et leur filière à la réflexion de la résidence architecturale.
Le diagnostic réemploi : BOMA
BOMA a réalisé un diagnostic ressources des matériaux in situ. Il a fait office d’état des lieux, évaluant le potentiel en termes d’économie circulaire (réemploi, surcyclage) des matériaux touchés par la déconstruction.
L’objectif était de lister, quantifier et caractériser les gisements par catégories de matériaux et de présenter les premières perspectives de réemploi/surcyclage.
Le diagnostic a été effectué en 2 étapes :
– D’abord BOMA a engrangé des connaissances sur l’historique des matériaux du site, leur époque de construction, leur employabilité première. L’objectif était notamment de repérer les matériaux pouvant être dangereux (présence éventuelle d’amiante, de plomb, de substances toxiques à titre d’exemple). Cette première étape devra plus tard être confrontée aux diagnostics amiante et plomb.
– Ensuite, BOMA a visité le site pour repérer et lister les principales caractéristiques dimensionnelles et techniques des matériaux à potentiel de réemploi/surcyclage.
Le document de synthèse fourni à l’issue de cette étape est une mine d’informations pour les maîtrises d’ouvrage et d’œuvre, et in fine pour tous les acteur·rice·s du projet. Il permet de mettre en exergue et de cibler les matériaux emblématiques, volumineux, disponibles en grande quantité, de qualité ou encore à fort intérêt patrimonial, et de mettre en valeur les bâtiments du site.
Des fiches sont réalisées matériau par matériau : localisation, descriptif, quantité, état de conservation, démontabilité, photos. Ce diagnostic ressources est réalisé en complément du diagnostic déchets, obligatoire pour les bâtiments de surface de plus de 1 000 m² hors œuvre brute (non inclus dans notre proposition). Le diagnostic ressources ne peut pas se substituer au diagnostic déchets.
Le diagnostic humain : ATELIER NA
L’Atelier NA, compétent dans le montage de démarches de planification urbaine participative, s’est occupé du diagnostic des appétences et savoir-faire des acteur·rice·s locaux·ales. Ce diagnostic « humain » est la clé de voûte sur laquelle repose l’ensemble de la démarche de valorisation du patrimoine et des matériaux du territoire. Il garantit le développement des circuits courts.
Les objectifs de ce diagnostic étaient multiples. Il a d’abord permis de lancer un débat, auprès des habitant·e·s, sur les questions de nos modes d’habiter. Il nous a également donné la possibilité de récolter une matière précieuse concernant les envies et savoir-faire des acteur·rice·s locaux·ales et donc de tisser un réseau d’acteur·rice·s ressources. Iels ont été et seront des moteurs pour les projets futurs. Enfin, ce diagnostic nous a permis d’établir une carte mentale sensible, en demandant à chacun·e quel rapport iel entretenait avec la vallée, les villages de Kruth et de Wildenstein et la friche industrielle en elle-même.
Afin de récolter le plus d’avis possible sur un temps court et en adéquation avec notre ressenti sur site, nous avons varié les médias de concertation, du stand au festival du bois au Frenz au porte à porte, en passant par des entretiens individuels en présentiel et en visio.
Les ateliers de co-conception
La seconde phase du projet a consisté à présenter les diagnostics aux acteur·rice·s locaux·ales et aux habitant·e·s, afin d’en tirer des conclusions ensemble et de faire ressortir les opportunités et les curiosités qu’ils offrent.
C’est à travers ces ateliers que notre démarche de projet innove : nous sortons du schéma classique de diagnostic/conception/réalisation pour intégrer une démarche participative et progressive au projet. Comment, sur la base de diagnostics ressources, est-il possible d’extraire collectivement des opportunités et des idées ?
Pour ces ateliers, nous avons proposé aux participant·e·s un jeu de cartes imaginé sur la base de l’ensemble des ressources que nous avons découvertes. Ce jeu a permis à la fois de donner aux participant·e·s une compréhension des enjeux et opportunités du territoire, mais aussi de faire des projections, en tissant des liens entre habitant·e·s et savoir-faire, entre savoir-faire et ressources et entre les ressources et la friche.
L’objectif de cet exercice était de décorréler les besoins et les contraintes de la conception architecturale d’une part et l’élaboration d’un programme d’autre part. En effet, cela nous a offert l’opportunité d’ouvrir le champ des possibles, de ne pas se borner au déjà fait et de permettre l’accessibilité à la phase de conception aux non-professionnel·le·s.
À travers ce jeu inclusif, nous avons aidé les participant·e·s à proposer des scénarios, du projet de restructuration de village à l’initiative citoyenne. L’ensemble de ces idées et propositions ont été compilées ensuite dans un livrable permettant de transmettre un catalogue des possibles, un panel de scénarios envisageables pour le devenir du village et en particulier de la friche. Enfin, ces ateliers ont permis à certaines personnes de devenir des porteur·se·s de projets, de lancer des dynamiques dans le village et d’envisager avec les partenaires et acteur·rice·s locaux·ales des accompagnements possibles.
Les projets des habitant·e·s
Nous avons, par la suite, proposé aux habitant·e·s de présenter leurs projets. Chaque projet a été placé sur une maquette – une représentation spatiale pour se rendre compte de la place occupée – et positionné sur une frise. Cela a permis d'élaborer une temporalité des différents projets et de les échelonner au mieux sur la friche pour qu’elle puisse fonctionner sur la durée.
Les projets proposés collectivement sont extrêmement variés et riches :
Havre de paix : Lieu de repos pour personnes fragiles
Jardin Party : Projet de découverte des espèces locales par la randonnée et la cuisine
De la Terre au Flacon : Projet de valorisation de la Renouée du Japon, plante invasive du site
Tissons au fil du temps : EcoMusée vivant sur les savoir-faire locaux, entre un musée et des ateliers
BeeWild : Projet de label de produits locaux
Sport en friche : Projet de mise en place d’espaces liés à la pratique du sport dans la vallée
Sylvicole Vallée : Campus de recherche spécialisé sur le matériau bois, de la racine aux feuilles
Club Echangiste : Attractivité possible car peu de clubs échangistes aux alentours
Les irréductibles Gaulois : Production et vente de produits agricoles et artisanaux locaux
La partagerie : Espace de stockage et d’échange de matériaux de réemploi
Dormons sur site : Hôtels insolites, gîtes étapes et autres lieux d’hébergement
La scieriette : Scierie à la demande pour particulier
Culture paysanne : Reprise de l’activité de filature, à partir de l’élevage de moutons autour du site
Micro-électricité : Fourniture d’électricité pour le site et la commune grâce à l’ancienne turbine
La taverne des Verriers : Espace de restauration sur le site
Rencontrons-nous : Projet de mise en place d’espaces de convivialité sur le site
Les scénarios : mode d’emploi du futur projet
Une phase de compilation nous a permis d’obtenir une conclusion sous une forme palpable et conventionnelle : les scénarios, en frises et maquettes.
Ces scénarios ont été obtenus en agglomérant plusieurs projets ensemble. Comme les combinaisons sont infinies et dépendent de critères que nous ne connaissons pas (économiques, politiques…), nous avons élaboré ces scénarios pour montrer les liens possibles entre projets plutôt que pour fixer des associations.
Le livrable, un carnet des possibles
C’est à partir de ces scénarios que nous avons composé notre livrable. Il a permis de compiler l’ensemble de notre travail en un document unique ayant pour objectif d’éclairer le(s) maîtrise(s) d’ouvrage sur les enjeux du site, et de leur offrir des outils pour mener au mieux la suite du projet.
En nous basant sur les richesses internes du territoire plutôt que sur les contraintes architecturales, nous faisons le pari que le résultat n’en sera que plus riche, du moins dans le sens du développement des circuits courts et de la résilience des territoires.
Merci au Parc Naturel des Ballons des Vosges, à la communauté de communes de St-Amarin et à la commune de Wildenstein. Merci tout particulièrement à Frédéric et Laura et à tous les participant·e·s des ateliers.
En 2022, nous sommes de nouveau sollicités par la communauté de commune de Saint-Amarin pour la réalisation de perspectives. Celles-ci auront pour but de motiver des potentiels financeurs ou des artisans et artisanes intéressé.e.s par un potentiel box.